Gardien de la mémoire du corps, le tissu fascial résonne comme le marqueur psycho- corporel de notre propre histoire
Dans le milieu aquatique, le corps sort de ces automatismes compensateurs qui sont ses systèmes de défense. On peut observer à la posture du corps en flottaison, les zones en réaction, écho d’un stress traumatique (mécanique, physiologique ou émotionnel, voir les trois). Pour reprendre une réflexion de Françoise Dolto : « l’image corporelle est la représentation inconsciente du sujet dans sa relation à lui-même et à l’autre. »
Le corps est l’expression d’un espace inconscient et intelligent où le temps est un, unifiant passé et présent projetant l’avenir comme une continuité d’évolution de là vie.
Cette notion du corps enveloppé par l’eau, à la fois décrivant le relief de ces contours, en modelant chaque partie, s’avère réveiller en nous un élan maternant et sécurisant tout autant que la contradiction émotionnelle d’être engloutie par elle, emportée par la force de sa puissance.
L’abandon que l’eau sous tend, devient un enjeu qui nous entraîne à revisiter toute notre construction corporelle, l’illusion de perdre ses limites dans une fusion avec cette matière fluide nous ramène vers l’éden perdu d’un moi non différencié.
Le corps en immersion souvent exprime cette volonté et semble chercher une direction, une trace que l’eau va prolonger et accompagner. Dans Ces moments privilégiés, je ressens combien il y a une conscience de cet élément si vivant, s’il n’entend pas l’expression d’une émotion, il en l’accueille la vibration et s’en fait l’écho. Nos récepteurs neuro sensoriels cutanés vibreront dans cette harmonie de l’instant. Si j’arrive dans cet infime temps fractal à ressentir moi aussi cette vibration, je peux l’identifier et lui donner un sens. C’est toujours un cadeau, un partage offert par la vie pour me rappeler l’interconnexion du vivant et de ma responsabilité de participer à ce paradigme.
Le corps immergé, les référentiels neuro vestibulaires changent, il en va de même pour le donneur. Sa fonction à accompagner, à soutenir, à permettre et explorer le mouvement le plonge au cœur d’une ambivalence dans sa relation aux soins. Les repères dans l’eau se fondent, chaque déplacement sous-tend l’équilibre et le déséquilibre, l’appui puis la perte d’appui. L’engagement corporel du donneur est entier et pourtant il ne doit pas se suppléer à l’eau, il y aura toujours l’eau matière entre lui et l’autre, toujours l’eau pour soutenir, pour porter au-delà de ses bras. C’est l’eau qui devient active, même si l’impulsion prend naissance dans la volonté de notre mouvement. Le donneur doit exprimer sa présence dans les moments où le besoin de sécurité face à une peur, une angoisse s’invite. Privé du dialogue, nous ne pouvons connaître ce que traverse l’autre, ni même anticiper une réaction physique ou émotionnelle, souvent la respiration sera un bon marqueur, se faisant le médiateur du corps et de la psyché. Souvenons-nous,le portant est l’eau, le soutenant le donneur, cependant les appuis au sol et une certaine tonicité du dos permettront au receveur de ne pas ressentir une sensation de fuite et donc d’insécurité dans la relation avec le donneur.Joelle Bélanger 05/2018